C’était sans doute à cause de l’une de ces insondables raisons, en obéissant à l’une de ces secrètes voix intérieures, qu’on a été guidé vers la gravure. Ce sont aussi les bienveillantes voix de nos profs, qui nous sommaient de nous y fier : il était préférable de ne pas aller a l’encontre de son tempérament ; en somme c’est le conseil qui m’avait fait faire la gravure pendant mon initiation artistique à l’institut supérieur des beaux-arts de Tunis.
Ma rencontre avec les techniques de l’estampes était caractérisée par une constante volonté de développer une approche expérimentale, qui aille, de surcroit, au-delà de l’incommensurable poids des traditions qui lestent cette discipline aux exigences fort techniques.
Ce qui en ressort, c’est une réflexion sur les concepts qui tournent autour de l’impression et de l’empreinte. En l’occurrence, des méditations sur le multiple, la répétition, la démultiplication de l’image, et autant d’idées que je trouvais d’une richesse inouïe.
Et au milieu de ces concepts celui de la collection allait s’imposer comme l’un des motifs les plus déterminants.
Lorsque Dominique Poulot, un imminent historien de l’art et des musées, invoquait un roman de Jules Verne comme archétype des écomusées actuels, ce fut comme une révélation qui m’expliquait une partie de ce que j’ai tendance à faire plastiquement.
En effet, pendant les années de mon adolescence, j’étais moi-même un fervent lecteur de Jules Verne. Et en y songeant bien, je peux dire que dans tous les livres dont je puis me rappeler, il était toujours question d’énumération, d’inventaires, de collections : dans vingt mille lieues sous les mers, le capitaine Nemo fait de son sous-marin un véritable musée qui offre une vitrine sur le monde des abysses. Je me rappelle les interminables paragraphes énumérant les espèces et sous espèces de la faune marine. Phileas Fogg qui devait réussir un tour du monde en quatre-vingt jours, collectait des objets représentant la culture typique de chaque ville où il faisait escale. Dans cinq semaines en ballon, on peut lire une description des rivières, des villages, des tribus, et des coutumes de l’Afrique profonde encore très peu connus en 1863… etc. Chaque aventure épique dans ces livres, était comme une sorte de leçon de choses.
Aujourd’hui, je pense qu’il n’est aucun doute que cette littérature a été d’une grande influence sur mes inclinaisons, et d’ailleurs je comprends mieux d’où viennent des dessins et des gravures qui remontent aussi loin que 2004, 2005 et 2006, et qui dénotent de cette curieuse pulsion de faire des classifications et des séries.
Or ces motivations relèvent d’une sensibilité qui, du reste, ne m’est sans doute pas exclusive, et relèverait sans doute d’une influence d’échelle culturelle : qui ne s’est jamais essayé à faire une collection ? sinon, qui ne s’est jamais attardé, parmi les feuilles d’un dictionnaire encyclopédique, sur une planche illustrée représentant des dizaines de spécimens de champignons, ou de papillons, aussi beaux les uns que les autres ?
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